« L’alcool, il y a deux versions. Soit c’est un ennemi qui te veut du bien mais qui te fait du mal, soit c’est un ami qui te veut du mal, mais qui te fait du bien » – Jacques Dutronc
Je crois que l’une des choses qui me fait le plus peur dans la vie, c’est la monotonie, la lassitude, l’ennui. Par là, je ne dis pas que je veux une vie d’aventure continuelle, mais je reconnais que j’ai toujours eu peur d’une routine doucement meurtrière.
Cette dernière année, avec la crise sanitaire qui s’est abattue sur nous, c’est certainement ce qui a été le plus compliqué à appréhender pour moi. L’absence de projet. La routine incessante. Une sorte de « Jour sans fin » à rallonge.
D’une certaine façon, je pense que c’est aussi pour ça que le film DRUNK a particulièrement raisonné en moi (et pas à cause de l’alcool, je vous vois venir).
DRUNK (réalisé par Thomas Vinterberg et scénarisé par Thomas Vinterberg et Tobias Lindholm – 2020 – 115 mins)
DRUNK raconte l’histoire de Martin (Mads Mikkelsen), Tommy (Thomas Bo Larsen), Nikolaj (Magnus Millang) et Peter (Lars Ranthe), quatre amis quinquagénaires, professeurs dans un lycée et un peu dépassés par la monotonie de leurs vies. Un soir, Nikolaj énonce la théorie du psychologue norvégien Finn Skårderud selon laquelle pour être pleinement en confiance et épanoui, l’Homme devrait vivre continuellement avec 0,5 grammes d’alcool par litre de sang. Le lendemain, Martin décide de tenter l’expérience. Voyant des effets positifs immédiats, les compères vont alors chercher à aller plus loin dans l’exploration de cette théorie. Peut être trop loin.
Je suis sortie de la salle éblouie par la beauté de la photographie et le talent des acteurs.
Avec ce film, Thomas Vinterberg dresse le portrait pudique de personnages dans lesquels nous pourrions tous nous reconnaitre. Nous sommes face à un vrai mélodrame. On rit parfois. On est touché beaucoup.
Quand le générique de fin démarre, je reste un peu déroutée par ce que je viens de voir. Quelle est d’une certaine façon la leçon à tirer de ce film ? Quel est le message qu’a voulu nous faire passer le réalisateur ?
En réalité, ce film n’a pas de moral, car il n’est pas moralisateur. Il ne dénonce pas l’alcool, il ne montre pas du doigt un éventuel alcoolisme. Il met juste en lumière un fait de société véritable. On se lève chaque matin, on vit, chaque jour, et certaines fois c’est plus compliqué que d’autres. Alors certains boivent comme d’autres sauteraient en parachute.
Mais la difficulté liée à l’alcool c’est qu’il s’agit d’une pratique sociétale ancrée. Les gens boivent pour faire la fête, ils boivent pour célébrer une bonne nouvelle, ils boivent encore pour se consoler en cas de chagrin d’amour et de tristesse. Malheureusement, ils peuvent aussi boire jusqu’à se perdre chaque jour un peu plus. Il s’agit ici de montrer cette frontière étroite qui peut exister entre les deux rives et de la capacité des uns à conserver le cap, quand d’autres finiront par tristement franchir cette frontière.
Par le prisme de l’alcool, on comprend que chacun d’entre nous, à un moment donné de sa vie, peut avoir besoin d’un soupçon de felix felicis pour lui permettre de voir les choses de manière plus positive, plus enthousiasmante, avec plus de folie. D’une certaine façon, de se rappeler que l’on est vivant.
L’alcool, bien que central dans l’histoire, n’est pas un personnage à part entière selon moi. On ne suit pas le parcours de personnages qui boivent. On suit le parcours d’hommes tristes et perdus qui essaient de ré-insuffler un peu d’excitation, de but et de confiance dans leur vie.
Ce film est nerveux, mélancolique et bouleversant. Il est surtout très beau car profondément sincère.
Et si tout cela ne vous a pas convaincu, je vous invite à regarder la magistrale scène finale. Tellement belle. Tellement forte. Tellement puissante. Tellement rayonnante. Un bijou à l’état pur qui a balayé chacun des doutes que je pouvais avoir sur ce film. Sans parler du déhanché de Mads Mikkelsen.
Alors je dois vous avouer, que le jour où j’ai vu ce film, je n’étais pas en super forme bien que très curieuse de le découvrir. Je m’étais attachée à réserver une séance en V.O. afin de me plonger à 100% dans cet univers. Je n’avais juste pas anticipé, que la V.O. de ce film, n’était autre que le danois. J’ai cru lutter les premières minutes. Le film a finalement glissé sans que je ne m’en rende compte.
DRUNK n’est pas facile d’accès, vous laissera peut être dubitatif et vous laissera un certain nombre de questions sans réponse. Mais croyez moi, vous quitterez DRUNK avec des étoiles dans les yeux, et la vivifiante chanson What a Life de Scarlet Preasure dans la tête.
DRUNK a été nommé parmi la « compétition officielle » du Festival de Cannes en 2020. Si la cérémonie avait été maintenue, nul doute que ce film eut été fortement récompensé.
6 Comments
Carolina
21 juin 2021 at 9 h 55 minQuelle analyse ! C’est tellement poétique mais à la fois ancré dans la réalité. Et si joliment écrit également. Bravo le sable !
Du Sable Sous Le Bitume
21 juin 2021 at 21 h 12 minMerci beaucoup pour ton commentaire. Ca me touche beaucoup. C’est vraiment un très beau film.
Joyce
21 juin 2021 at 13 h 23 minLe scénario est assez intelligent, je pense que la difficulté de ce type de film est en effet de trouver un moyen de tourner autour d’un thème qui ne doit pas pour autant faire oublier tout le reste, d’où l’importance de relever, comme tu le fais si bien, qu’on ne suit pas des hommes qui boivent, mais plutôt des hommes qui font leur vie avant tout. Par contre, bon, ça a quand même dû être difficile à suivre en danois hahaha
Du Sable Sous Le Bitume
21 juin 2021 at 21 h 11 minMerci beaucoup pour ton commentaire. Je suis tout à fait d’accord avec toi. Et c’est d’ailleurs pour ça que je pense que ce film est réussi car il parvient à parler d’un sujet beaucoup plus profond bien que si banal. Pour le danois, j’avoue avoir eu un peu peur au début 😀 Mais finalement la beauté du film a pris le dessus.
Clémence
12 juin 2023 at 22 h 04 minMerci pour cet article – je viens de découvrir ton site via ton dernier article sur la Petite Sirène ^^ (qui confirme ce que je redoute, donc merci de nous avoir prévenu !)
Mais pour Drunk, je l’ai découvert récemment quand il est passé sur Arte. Je suis totalement d’accord avec ce que tu dis, c’est un film à voir, qui laisse ensuite une trace et en effet la scène finale nous transporte. On dirait que toute la magie du cinéma se résume durant ces quelques minutes.
Bravo encore pour ton écriture et ton analyse ! 🙂
Du Sable Sous Le Bitume
9 août 2023 at 0 h 33 minMerci beaucoup pour ton commentaire 🙂