Cinéma

BAC NORD : quand l’actualité fait écho à la fiction

12 septembre 2021

Quand je me rends au cinéma pour voir ce film, on se trouve 3 jours avant l’arrivée du Président Emmanuel Macron à Marseille.

Je suis toujours curieuse de voir comment l’actualité peut se faire l’écho d’une œuvre artistique ou inversement.

Les quelques jours qui suivront la projection du film, je vais garder en mémoire chaque image, comme l’impression de ne pas avoir quitté la salle de cinéma et d’être bloquée devant l’écran.

Où se trouve la limite entre la réalité et la fiction. Dans certains cas, il faut croire qu’il n’en existe pas. Voire pire, la réalité l’emporte contre la fiction par KO.

BAC NORD (réalisé par  Cédric Jimenez – 2020 – 104 mins)

BAC NORD est un film librement inspiré du scandale qui a eu lieu en 2012 au sein de la BAC (Brigade Anti-Criminalité) de Marseille, qui n’est plus en activité aujourd’hui. Cette brigade avait pour objet le maintient de la sécurité et le démantèlement de trafics de drogues et d’armes au sein des quartiers nord de Marseille, connus comme étant un noyaux de la criminalité.

Dans ce film, on suit alors Grégory (Gilles Lellouche), Yassine (Karim Leklou) et Antoine (François Civil), tous les trois agents de la BAC Nord de Marseille, et qui, bridés par la réalité de terrain et les lourdeurs hiérarchiques et administratives sont amenés à user  de méthodes que l’on pourrait qualifier de borderline. Un jour, ils ont la possibilité de démanteler un gros réseau et leur direction leur donne, officieusement, carte blanche. Ce qui aurait dû être une réussite collective et nationale, va se transformer en un procès d’individus et succession de lâcheté.

Ce film est brillant, froid, dur, chirurgical. Aucune fioriture pour enjoliver la situation. Pas de scène d’action ou de bagarre pour les yeux. Pas de « romancisation » ou d’échanges doucereux entre les personnages.

Tout au long de la séance, on assiste à des scènes de guerre à coup de kalachnikovs ou autres machines à laver qui tombent des fenêtres d’immeuble pour arrêter la police. On ne nous cache pas non plus une réalité de l’institution policière au sein de laquelle le plus important est de faire son chiffre de la journée, quel que soit le type d’infraction relevé.

Ce film est porté par des comédiens d’une grande qualité qu’il s’agisse de Gilles Lellouche qui campe le rôle d’un policier qui a de la bouteille et est désabusé. Mais aussi, François Civil, qui avec son chignon délavé montre une fois de plus qu’il est un grand acteur (par contre l’accent marseillais…. Il faut vraiment arrêter). Ou encore Karim Leklou, qui, je dois le reconnaître, m’était inconnu jusqu’alors, et qui interprète avec brio son rôle de policier tantôt passionné, tantôt dépassé par les évènements.

Mon seul bémol reviendra peut être à Adèle Exarchopoulos, ou plutôt à son personnage, que j’ai trouvé d’un intérêt bien plus mineur.

A la fin de mes études, j’ai vécu pendant 2 mois dans une résidence étudiante qui se trouvait dans ce fameux 15ème arrondissement de Marseille. Tous les matins, la radio me réveillait avec l’annonce d’un nouveau meurtre, d’un nouveau règlement de compte. En me rendant sur le lieu de mon stage, je passais devant des « abris bus », si on peut encore les appeler comme çà, qui étaient détruits, comme pulvérisés par des boulets de canons. Les bus ne circulaient plus en direction de ce quartier après 19h, ce qui ne facilitait pas les choses en terme de transport et accroissait les difficultés pour les habitants.

Il est évident que le fait que l’histoire se déroule à Marseille m’a touchée plus facilement qu’un film se déroulant à Chicago par exemple. Même si on entend parler de cette triste situation, on ne saurait imaginer l’ampleur de la catastrophe sociale et sociétale, quotidienne, et qui ne cesse d’empirer.

Quand on sort de la séance on reste chamboulé pendant quelques minutes tant la vérité est glaçante. Le temps d’un instant on se met même à imaginer ce qu’on aurait fait à la place des protagonistes. Bien sûr, devenir ripoux ou se heurter à la délinquance n’est pas une solution et ne peut être excusé. Cependant, comment réagir quand on se lève chaque matin pour exercer un travail sans les moyens nécessaires et en étant abandonné par sa hiérarchie.

J’ai beaucoup aimé ce film, pour ce qu’il dit, ce qu’il montre et le talent de ses acteurs. Cédric Jimenez réalise ici un film propre et maitrisé. Néanmoins, et si je devais émettre une critique, ce serait celle de se demander si ce film n’est pas un peu trop clément vis à vis des policiers. Alors que les criminels et autres délinquants sont montrés sous ce seul visage comme évoluant dans une situation de fatalité, le film aura tendance à montrer un visage de la police, impuissante, qui n’a d’autre solution que d’user de méthodes obscures, et qui est, en tout état de cause, abandonnée par sa hiérarchie et l’État. Ce ne serait donc pas vraiment de leur faute, mais uniquement celle du système. Une nuance supplémentaire aurait sans doute était nécessaire.

Comme je l’ai indiqué plus haut, plusieurs jours après avoir vu ce film, les différentes images me restent en tête. Une fois que ce film a montré ce qu’il a montré, que l’actualité a dit ce qu’elle avait à dire, on se demande : et après ? Mais ici, la fiction n’est plus de la partie, et seule la réalité devra œuvrer à trouver des clefs.

BAC NORD. Un film à ne pas rater.

    Leave a Reply