Théâtre

Une VÉRITABLE histoire d’amour

19 décembre 2021

S’il y a bien une chose qui me plait dans le spectacle vivant, c’est justement le fait qu’on ne sache jamais vraiment à quoi s’attendre. Bien sûr, on a pu lire des avis de spectateurs, ou encore apercevoir quelques extraits. Certains journalistes auront même eu la bonne idée d’en faire des articles. Mais au contraire d’un livre ou d’un film pour lesquels on pourra retrouver des critiques et commentaires en tout genre nous permettant presque d’avoir notre avis sur l’œuvre avant même de l’avoir découverte, il en est tout autrement pour le spectacle vivant.

J’aime passionnément observer les interprètes, comme un spectateur qui ne peut être vu et qui s’inviterait dans l’histoire des personnages. J’aime aussi le fait que bien souvent on finisse par avoir le sentiment que les acteurs, chanteurs ou autres artistes ne s’adressent qu’à nous, alors qu’on est nombreux dans la salle.

En ce moment, je vis une période assez difficile, pleine de questionnements et de préoccupations notamment dues à la fin de l’année. Alors je me réjouissais de pouvoir me rendre au théâtre ce soir là. Comme une bulle d’air frais dans la nuit.

UNE HISTOIRE D’AMOUR (écrit et mis en scène par Alexis Michalik – 2020 – 85 mins)

Cette pièce nous conte l’histoire de deux jeunes femmes, Katia et Justine, qui tombent follement amoureuses. Quelques temps plus tard, Justine fait part de son désir d’enfant. Katia, cabossée par de nombreuses épreuves de la vie, commencera part hésiter avant d’accepter par amour. Les deux jeunes femmes, pour multiplier les chances, décident de faire toutes les deux une insémination artificielle. C’est Katia qui tombe enceinte. Si au début de la grossesse les choses semblent évoluer paisiblement entre les deux jeunes femmes, Justine finit par partir. On retrouve alors Katia, 12 ans plus tard, atteinte d’un cancer auquel elle ne pourra pas survivre, et qui, pour éviter d’envoyer sa fille Jeanne en foyer après sa mort, doit impérativement renouer le contact avec son frère, William, écrivain devenu alcoolique.

En préambule, je dois dire que je suis une grande admiratrice du travail d’Alexis Michalik. Par conséquent, sans véritablement savoir ce qui m’attendrait devant cette pièce, je savais déjà que j’apprécierais.

Lors de la scène d’ouverture les 5 acteurs sur scène entonnent la chanson « Et pourtant » de Charles Aznavour. C’est très joli bien qu’assez déroutant.

Comme je me dois d’être honnête, je dois également indiquer que j’ai été déstabilisée par les 15 premières minutes de la pièce. Je ne comprenais pas qui étaient les personnages, leur âge, leur empressement. De plus, le fait qu’il y ait un décor mouvant laissant passer le temps à la vitesse du récit me donnait un léger tournis… Et puis, comme par enchantement, tous mes questionnements ont disparu. Les changements de décors, les imprécisions, le jeu des acteurs, tout m’a semblé parfaitement à sa place. Ce que je questionnais est alors devenu ce qui a fait que je n’ai plus lâché mon attention jusqu’au bout.

Pendant 1h25 qu’on ne voit pas passer, les acteurs nous font traverser 12 années et l’évolution de chacun des personnages. Ce changement de décors continu sans jamais aucune interruption de lumière ou de jeu nous place dans un environnement de tension, mais dans laquelle on se love volontiers.

Aussi, l’histoire se déroulant sur douze années, on voit également, en filigrane, l’évolution de la société, notamment sur le plan des droits des couples de même sexe, et c’est loin d’être anodin dans ce récit.

Ici, on parle d’un amour, un vrai, mais pas un amour que l’on voit dans les films et pour lequel une histoire peut être figée. On parle de la vraie vie, des déceptions, des emportements, des trahisons parfois.

Nous sommes face à de véritables personnes, avec leurs forces, mais surtout leurs faiblesses. Des faiblesses qui peuvent nous faire mal, qui peuvent nous rendre tristes, mais qu’on ne peut pas juger. Ces faiblesses que souvent, en tant qu’individu, on utilisera pour faire notre pénitence.

Ce soir là, les acteurs étaient Paul Lapierre, Stéphanie Caillol, Julia Le Faou, Alexia Cassiopee et Lila Fernandez. Il s’agit là d’un casting absolument formidable. Chacun jouant avec une infinie justesse. Je ne vous en dirai pas davantage sur leurs rôles afin de ne rien vous révéler de l’intrigue. D’autant qu’ils campent chacun, tour à tour, un des rôles principaux, mais aussi des rôles plus secondaires, ce qui fonctionne parfaitement bien et participe au rythme de la pièce.

UNE HISTOIRE D’AMOUR est un merveilleux moment suspendu. Vous allez rêver, vous allez aimer, vous allez pleurer, mais vous allez rire aussi, à l’image de la vie. Le texte est très bien écrit, avec beaucoup de sincérité et d’intelligence.

Je suis allée voir cette pièce avec deux amies. Deux d’entre nous ont pleuré à chaudes larmes, et il n’aurait pas beaucoup fallu prier la troisième pour qu’il en soit de même.

En sortant de cette pièce, on est restées de longues minutes à échanger sur notre ressenti. Nous étions comme sonnées par ce que nous venions de voir et l’intensité des émotions que nous avions reçues, mais nous avions toutes un grand sourire.

Tout au long de la pièce, nous sommes bercés par une bande originale des plus belles chansons d’amour et de rupture. Pour celles et ceux qui n’auraient pas d’abonnement à une plateforme musicale, remédiez-y de ce pas, car en sortant vous n’aurez qu’une envie, c’est traverser la ville dans un taxi, le regard perdu à travers la vitre, toutes ces chansons dans les oreilles pour ne jamais quitter l’état dans lequel cette pièce vous laisse.

Un grand bravo à Alexis Michalik et à l’ensemble de ses acteurs. Je suis reconnaissante d’avoir pu vivre ce moment.

Actuellement au Théâtre La Scala

Joan Baez – Plaisir d’amour / The joys of love (France, 1966)
  • Reply
    Emmanuelle
    28 avril 2022 at 23 h 12 min

    Merci pour ce très bel article, que je lis avec beaucoup de retard, ça me rappelle de très bons souvenirs <3 C'est une lettre d'amour au spectacle !! Je te comprends… Ce spectacle raisonne encore dans ma tête. Je suis très heureuse que de grandes œuvres présentent des histoires d'amour et de vies, qui ne sont plus hétérocentrées, qui nous bouleversent. J'y pense encore plus aujourd'hui, en ayant tout juste terminé la rafraichissante série HeartStopper de Netflix.
    Oh et depuis le spectacle j'écoute aussi régulièrement la chanson de Joan Baez ^^

    • Reply
      Du Sable Sous Le Bitume
      28 avril 2022 at 23 h 20 min

      <3

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