Théâtre

Le monde est Stone, encore en 2023

15 janvier 2023

A Noël j’ai eu l’un des meilleurs cadeaux, à savoir une place pour aller voir STARMANIA. Alors évidemment, on connaît tous STARMANIA, et bien que cela nous renvoie à des images des années 80, toutes les chansons sont encore présentes à toutes nos meilleures soirées Karaoké.

Je n’ai évidemment pas connu la version originale de 1979 (mon père quittait à peine la maison de ses parents pour faire son service militaire, c’est dire…) mais mes parents étant des gens de goûts ils ont su me mettre l’album entre les mains. Toutes ces chansons sont cultes. Pour la plupart, elles font aujourd’hui encore parties de mes playlists. Pour tout vous dire, je dois également confesser que Daniel Balavoine a été une des mes premières idoles, en partie grâce à STARMANIA. J’ai tous ses albums Best Of (les compilations de Noël, vous savez je le sais).

Alors autant vous dire que j’attendais ce grand retour comme jamais. D’autant qu’on nous l’avait annoncé pour 2020 mais le Covid a eu raison de ce premier rendez-vous.

STARMANIA (Luc Plamondon et Michel Berger mis en scène par Thomas Jolly et Samy Zerrouki et chorégraphié par Sidi Larbi Cherkaoui et Kevin Vivès – 2022 – 3 heures)

Synopsis : Dans un futur proche, l’Occident est unifié en un seul et unique État. On s’approche de l’élection pour nommer le Président de l’Occident. Deux partis s’affrontent. L’un dirigé par Zéro Janvier, milliardaire raciste et sans scrupule, l’autre dirigé par le Gourou Marabout qui prône la liberté des mœurs et des convictions écologistes. Face à ce choix manichéen, la colère du peuple gronde, et la bande des Étoiles Noires sème la terreur dans Monopolis. Tout au long de l’histoire, on suit le parcours de différents protagonistes qui auront chacun un impact individuel et collectif.

Mise en scène et scénographie

Tout d’abord, je tenais à souligner le travail exceptionnel de mise en scène et scénographie.

Dès la première scène j’ai des frissons. La scène s’illumine et on voit apparaître un piano, seul, central, alors que la musique se lance.

Au fur et à mesure des apparitions de chaque personnage,  les changements de décors et d’ambiance sont de plus en plus éblouissants. Je pense d’ailleurs que je ne me suis toujours pas remise du ballet des projecteurs pendant le Blues du Business Man. Tellement fort, tellement poétique. D’ailleurs, tout au long du spectacle, les jeux de lumière sont extraordinaires, un personnage à part entière.

David Latulippe (Zero Janvier) pendant Le Blues du Business Man

J’ai beaucoup aimé le rythme qui a été donné en alternant des scènes jouées en direct et des clips vidéos projetés sur grand écran. Cela crée une déstructuration qui renforce le côté anarchiste et revendicatif de l’histoire et insuffle du modernisme.

Il y a en réalité assez peu de chorégraphies en tant que telles, et donc assez peu de danseurs. Mais les tableaux sont tous en mouvement, il y a beaucoup de vie dans chacun d’eux. Tantôt l’agitation du mouvement va accompagner la rage ou la folie des personnages, tantôt l’absence de mouvement mettra en avant le fait qu’ils sont désabusés. L’énergie contemporaine des chorégraphes est palpable à chaque seconde du spectacle.

Un des tableaux qui m’a le plus plu, tant on ne savait plus où poser les yeux, est celui pendant La chanson de Ziggy au cours duquel une multitude de Ziggy apparaît faisant fi de toutes les préoccupations de genre.

J’ai d’ailleurs trouvé très impressionnant que chacun des chanteurs performe avec un micro main. Pour ma part j’ai trouvé que cela permettait de garder un lien avec le spectacle original, mais je n’ai aucune idée de la véritable raison derrière ce choix.

Un casting à la hauteur des attentes

Nécessairement, et bien qu’il ne faille pas faire de comparaison, il est évident que lorsque l’on parle de STARMANIA, on pense directement à Daniel Balavoine, France Gall, Fabienne Thibeault ou encore Claude Dubois.

Un énorme travail a été fait s’agissant du casting. Chacun des chanteurs est extraordinaire. Il semble évident qu’un soin tout particulier ait été porté à trouver des artistes qui pourraient rappeler les artistes originaux, mais à aucun moment il s’agit d’une imitation. Ils sont tous extrêmement talentueux. Pour ma part je n’avais connaissance que de Côme, qui campe ici un Johnny Rockfort très puissant. Mais je vais tacher de suivre la carrière de chacun d’eux.

Une histoire qui résonne encore plus avec la réalité

« Quand viendra l’an 2000, on aura 40 ans… »

L’an 2000 est bien loin de nous, et on est obligé de reconnaître que la vision de la société dépeinte dans STARMANIA à l’époque, bien que manichéenne, n’est pas très éloignée des préoccupations sociales actuelles. C’est d’ailleurs probablement pour cette raison que ce Musical a autant marqué les générations et continue à attirer les spectateurs. Je ne sais pas si en écrivant ce spectacle, Luc Plamondon et Michel Berger auraient imaginé que près de 40 ans plus tard, les préoccupations seraient toujours les mêmes.

La violence des villes, la méfiance envers l’autre, la peur du lendemain, l’importance du paraître au prix parfois de ses valeurs, autant de thématiques qui font notre quotidien aujourd’hui encore.

A ce titre, j’ai été très touchée en réécoutant les paroles de La serveuse automate qui m’a permis de m’apercevoir que loin d’être des préoccupations actuelles, certaines problématiques et questionnements de l’être humain, étaient inhérents à notre condition :

Qu’est-ce que je vais faire aujourd’hui?

Qu’est-ce que je vais faire demain?

C’est ce que j’me dis tous les matins

Qu’est-ce que je vais faire de ma vie?

Moi j’ai envie de rien

J’ai juste envie d’être bien

Je veux pas travailler

Juste pour travailler

Pour gagner ma vie

Comme on dit

J’voudrais seulement faire

Quelque chose que j’aime

J’sais pas ce que j’aime

C’est mon problème

De temps en temps je gratte ma guitare

C’est tout ce que j’sais faire de mes dix doigts

J’ai jamais rêvé d’être une star

J’ai seulement envie d’être moi

Ma vie ne me ressemble pas

J’travaille à l’Underground Café

J’ai d’ailleurs beaucoup apprécié le travail d’actualisation de certains textes qui met encore plus en lumière la pertinence des textes de l’époque.

Je dois quand même dire que j’ai plutôt ris en regardant la réaction de la salle. Il y avait un véritable contraste entre le public qui m’entourait, essentiellement âgé (prix des places oblige) applaudissant à pleines mains les envolées de Johnny Rockfort et Sadia et la violence de leurs propos. Ont-ils vraiment écouté les paroles ? Revivaient-ils une jeunesse dont ils renient toute réalité dans leur quotidien une fois plus vieux ? La magie du filtre de la fiction j’imagine…

***

Jusqu’au bout le spectacle aura été grandiose. Le STONE final m’a laissé sans voix (au contraire de ma voisine de gradin qui a cru bon de me montrer son manque de talent musical alors que je vivais mon meilleur moment… Sacrilège). Les lumières n’ont pas eu le temps de s’éteindre, que la salle était en standing ovation, et ce jusqu’à la dernière note de musique.

De l’action, des émotions, du suspens et même une idylle, cet opéra rock répond à toutes nos attentes.

J’ai passé un EXCELLENT moment. J’ai failli pleurer d’émotions à plusieurs reprises. Pour couronner le tout, la production a eu l’intelligence de parsemer ce spectacle de multiples clins d’œil au casting original, ce qui ne fait que renforcer l’amour envers cette nouvelle version.

Assister à STARMANIA c’est comme assister à un concert mais au cours duquel seules vos chansons préférées sont jouées.

Si vous avez la possibilité d’aller les voir à la Seine Musicale (salle juste magnifique) d’ici fin janvier, courrez-y. Dans le cas contraire, ils partent en tournée dans toute la France juste après, et sont de retour à Paris en novembre 2023. Regardez moi bien reprendre des places de ce pas.

Fabienne Thibeault – Le monde est stone (1978)

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