Cinéma

BABYLON : vulgarité et décadence au service de rien

12 février 2023

Quand on me connaît, on sait à quel point je suis fan des comédies musicales, du cinéma hollywoodien d’avant les années 50 et des films qui parlent de toutes ces thématiques. J’avais beaucoup aimé Whiplash et Lalaland, malgré les différentes critiques cinématographiques qu’on pourrait en faire. En tant que spectatrice, j’avais été ravie.

Donc à l’annonce de ce nouveau film de Damien Chazelle j’étais forcément ultra motivée. D’autant que le casting est 5 étoiles, et que les avant premières dans le monde entier donnaient plus qu’envie (la bande annonce et les affiches beaucoup moins je dois le reconnaître).

BABYLON (écrit et réalisé par Damien Chazelle – 189 mins – 2022)

Le film commence en 1926 à Los Angeles au cœur du cinéma muet d’Hollywood. Il nous transporte d’année en année vers le basculement du cinéma entre le muet et le parlant en nous montrant les évolutions, les décadences, les errements et les excès de cette industrie. Pour nous raconter cette histoire, on va plus précisément suivre trois personnages : Manuel « Manny » Torres (Diego Calva) immigré mexicain, homme à tout faire qui rêve de cinéma, Nellie LaRoy (Margot Robbie) jeune femme qui rêve de devenir actrice et Jack Conrad (Brad Pitt), star installée du cinéma muet.

Sur le papier, ce film a tout pour me plaire. De grands acteurs, une histoire au cours d’une des périodes les plus fascinantes du cinéma, et un accompagnement musical qui me fait déjà envie.

Si on entre directement dans le vif du sujet et que l’on s’intéresse à l’histoire, justement, j’ai trouvé particulièrement criant le contraste entre les premières scènes du film au cours desquelles plusieurs films sont tournés en même temps sous un brouhaha digne d’un western, et les scènes suivantes sur un plateau où la moindre respiration est enregistrée et peut anéantir la prise. J’ai d’ailleurs trouvé très intéressante la séquence avec l’ingénieur du son, qui devient presque le chef du plateau, au détriment du réalisateur, dans la mesure où c’est lui qui est le maître du son.

A travers cette évolution du cinéma, Chazelle nous montre également, comme çà avait été le cas dans Chantons sous la pluie par exemple, combien un acteur exceptionnel à l’époque du muet, peut perdre toute crédibilité et talent au passage du son. C’est le cas de Nelly qui ne sait pas placer sa voix ou encore de Jack Conrad, qui maniait à merveille le surjeux, ce qui n’est plus demandé à présent.

Jack Conrad (Brad Pitt)

Il semble clair, dès les premières minutes que Chazelle veut mettre en contraste ces deux périodes et tous les impacts que cela a pu avoir sur l’industrie du cinéma. Encore une fois, cette thématique est plus qu’intéressante, et tous les ingrédients étaient là pour que ce film soit un de mes films préférés. Mais…j’ai détesté ce film.

Tout d’abord, j’ai trouvé la photographie absolument rasoir. L’ambiance générale du film m’a littéralement dégoutée. J’ai bien compris qu’il fallait montrer le côté organique et circassien du cinéma muet, mais était-ce vraiment nécessaire de mettre en scène toutes les sécrétions possibles. Ca vomit, ca crache, ca urine (et j’en passe). L’image suinte du soleil hardant de Los Angeles. Mais à défaut de rendre l’image plus réelle, j’ai juste eu envie d’aller me prendre une douche à la fin du film tant j’avais l’impression d’être sale (bon après j’ai peut être des soucis avec les germes… je n’écarte pas la possibilité). En tout état de cause, je trouve que cette volonté de créer une image poisseuse et vulgaire a eu tendance à me perdre totalement et à m’éloigner du film.

D’autre part j’ai été particulièrement déçue par la musique. Ce qui me semble presque être un comble dans la mesure où le cœur du cinéma de Chazelle repose sur son amour pour la musique. Ici, j’ai trouvé chaque thème d’une lourdeur extrême et que le découpage des musiques par rapport aux images étaient particulièrement grossier (il faut vraiment arrêter de demander à son petit cousin de 6ème de faire le montage). J’ai trouvé que la musique n’était pas du tout mise en valeur. Le plus flagrant me semble le moment où un orchestre est à sa disposition et que la scène est filmée de loin. Sans émotion. Sans zoome sur les instruments, sur les mains des musiciens.

Par ailleurs, je trouve que ce film essaie de nous donner trop d’information. Il essaie d’instaurer une frénésie, avec un rythme saccadée, et très rapide, mais il nous cause, au mieux de l’ennui, au pire un violent tournis.

Enfin, le film est trop long : 3h10.

Je n’ai rien de particulier à dire des acteurs. Ils jouent ce qu’on leur a demandé de jouer. Ni plus ni moins.

Margot Robbie est absolument magnifique, et tourne dans ce qui est peut être la seule scène que j’ai apprécié dans le film quand elle se jette au sol dans une salle pleine à craquer de personnes, d’un éléphant, et de scène lubriques en tout genre. La caméra fait un focus sur elle, et le rythme et la musique ralentissent. Je trouve cette scène magnifique. Mais, est ce qu’on est obligé de la voir uniquement dans des rôles de folles ou de filles à poil ?

Nellie LaRoy (Margot Robbie)

Brad Pitt, lui, semble tout droit sorti de Inglorious Basterds dans son style vestimentaire.

Et Diego Calva, il semblerait que ce soit la nouvelle révélation du cinéma. Euh…oui, il joue pas mal, enfin, voilà, j’ai pas été particulièrement émue par son jeu. Normal quoi.

Tous les autres acteurs, car il y a une liste longue comme le bras, sont également à saluer pour leur qualité de jeu. Par contre je me pose une question, indépendamment de l’absence d’intérêt de cette scène, qu’avez vous fait à Tobey Maguire? Pourquoi tant de haine…? bref. Ce qui auront vu le film comprendront.

Tout au long de la séance, et plusieurs jours après je n’ai pas arrêté de me demander quel était le but de ce film ? Dire que le cinéma, avant le parlant, c’était des pauvres saltimbanques qui ne pensaient qu’à la gloire sans le moindre talent, qui étaient sales, vulgaires et avaient tous les vices. Que le cinéma, le vrai, est arrivé en même temps que le parlant, et qu’enfin il est devenu intelligent, et s’est alors ouvert à un public bien plus érudit. On pourrait aussi y voir une critique de l’industrie cinématographique d’aujourd’hui, qui pense parfois plus à l’argent qu’à la qualité des films. Qui délaisse parfois le spectateur.

En tout état de cause, pour moi ce film est tout sauf un hommage au cinéma. Par contre ce serait un très bon sujet de conférence que Damien Chazelle pourrait proposer à ses amis de l’industrie pour leur expliquer pourquoi le cinéma a besoin d’un nouveau souffle, et pourquoi lui, en  décortiquant et stigmatisant le Hollywood qu’il n’a pas connu, il va pouvoir donner la solution à toutes les problématiques de l’industrie. Quelle condescendance. La preuve ultime est qu’il utilise l’un des films qu’il développe dans BABYLON pour le placer dans l’industrie du cinéma comme une balise qui sera ensuite raillée dans le film Chantons sous la pluie dont il utilisera certains extrait pour illustrer son propos. Si ce n’est pas se donner beaucoup de gloire je ne sais pas ce que c’est. Tous ces éléments en font, selon moi, un film excluant pour le spectateur lambda.

Une preuve supplémentaire à mon commentaire est que ce film est bourré de références à de nombreux films qui ont fait l’industrie du cinéma hollywoodien ou encore à des évènements de cette époque. Certains personnages de ce film sont d’ailleurs des références directes à de véritables acteurs, ou autres producteurs de l’époque. Seuls de véritables connaisseurs peuvent comprendre les différentes références et donc les subtilités (même si je trouve ce terme bien trop fort en l’espèce) de ce film. Je pense que c’est la meilleure preuve qu’il s’agit d’un film totalement excluant.

A la fin du film, Chazelle nous propose, comme à son habitude, un enchainement de clips avec pleins d’extraits de films de façon à essayer de créer une nouvelle frénésie autour de cette multitude d’œuvre et de Ô combien le cinéma est capable de plein de chose. Ça tombe comme un cheveu dans la soupe, ce n’est pas fluide, ce n’est pas beau.

Je me suis ennuyée du début à la fin de ce film. Je pense même pouvoir dire que j’ai perdu mon temps et j’ai eu envie de vomir à cause de toutes les sécrétions sur le chemin du retour.

Je suis allée voir BABYLON en étant plus que confiante après avoir entendu les avis dithyrambique de la presse. Je suis sortie de la salle et je me suis demandée si on avait tous vus le même film. J’ai alors écouté un grand nombre de podcasts ciné et lu des critiques sur ce film. Je me disais que je devais avoir tort, que j’avais loupé le cœur de l’intrigue, que j’étais probablement passé à côté de ce qui semblait être un chef d’œuvre aux yeux de tous. Mais non. En écoutant et lisant les différents avis je n’ai été que plus convaincue de ce que je pensais. Il s’agit d’un film sur l’industrie cinématographique, fait par un homme de l’industrie (mais qui n’a pas connu l’époque qu’il ne cesse de critiquer), à destination de ses copains de cette même industrie. Voilà pourquoi ils l’ont tous aimé. Un entre soi je vous dis.

La prochaine fois, petit conseil, faites un power point pour en parler entre vous, et n’hésitez pas à faire un film en pensant au spectateur. Enfin, moi je dis ca…

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