Tous les ans je suis attentivement les films qui sont sélectionnés à Cannes, qu’il s’agisse de la compétition officielle ou non. En écoutant les différentes critiques (et tout particulièrement celle de Sophie Grech du Podcast REALISE SANS TRUCAGE – je vous le recommande +++), je n’avais qu’une hâte, c’est de découvrir le dernier film de Monia Chokri, SIMPLE COMME SYLVAIN. Je me suis alors précipitée à l’avant première proposée par mon cinéma, d’autant plus qu’une rencontre avec la réalisatrice et son actrice principale, Magalie Lépine-Blondeau était prévue.
SIMPLE COMME SYLVAIN (écrit et réalisé par Monia Chokri, 110 min, 2023)
Ce film est une comédie romantique, mais de celle que l’on pourrait vivre. Sophia (interprétée par la sublime et talentueuse Magalie Lépine-Blondeau), professeur de philosophie, est en couple depuis de nombreuses années avec son compagnon. Ils partagent une vie confortable et une relation stable. Alors qu’elle doit se rendre à son chalet pour discuter travaux et rénovation, elle tombe en amour pour le beau Sylvain (Pierre-Yves Cardinal), qui sera en charge de ces derniers. Nos deux héros n’appartiennent évidemment pas au même monde. Une passion charnelle et sentimentale va se développer entre les deux. Mais est ce que cela est suffisant.
J’ai ADORE ce film. Il est brillant.
Déjà, il est très très drôle. J’ai beaucoup ris. Cela résulte tant de la qualité de jeu des acteurs, qui ont su mettre des silences et des variations de rythme quand il le fallait, mais aussi de la qualité de l’écriture et de la réalisation.
Il faut aussi souligner le vrai talent de dialoguiste de Monia Chokri. Les échanges entre les personnages sont à la fois très simples et très précis, vrais. Souvent il y a des chevauchements de dialogues, les personnages parlent les uns sur les autres. Comme c’est le cas dans la vraie vie. Après tout, il est rare que lorsque l’on échange avec quelqu’un celui-ci attende systématiquement que l’on ait bien terminé de déclamer notre réplique pour pourvoir nous faire connaître la sienne.
Je tiens aussi à mettre en avant le talent d’observation de la réalisatrice, qui, dans l’écriture de ses personnages, a mis en lumière avec justesse leurs émotions et leurs réactions sans aucun jugement. A cet égard il n’y a pas d’amalgame entre intelligence et culture, et les différences entre les deux mondes auxquels appartiennent nos deux protagonistes, tout en étant soulignées, ne sont pas moquées (après tout, Sophia pense que Sylvain lui déclame du Rimbaud quand il s’agit de Sardou, et ça passe crème). Tout le monde a des préjugés et on est tous le beauf ou l’arrogant de quelqu’un. Il est également interessant de noter, comme l’a évoquée Magali Lépine-Blondeau à l’issu de la séance à laquelle j’ai assisté, que dans son écriture, Monia Chokri, tout en reprenant les stéréotypes des comédies romantiques, a su les dépoussiérer. Pour exemple, le personnage de Sylvain qui, bien que bourru et répondant, physiquement, aux idées de la virilité que l’on peut se faire dans l’imaginaire collectif, va s’avérer bien plus sensible et disponible émotionnellement, que Sophia.
L’histoire qui nous est racontée interroge aussi sur l’endogamie dans la relation amoureuse, la possibilité de faire couple avec quelqu’un qui n’appartient pas à son milieu. Est ce que c’est seulement possible? Est-ce un fantasme pour se donner bonne conscience? Mais aussi, finalement, est ce qu’il y a une seule façon d’aimer et est-ce que pour être heureux, le bonheur doit se chercher chez l’autre, ou bien devons nous le trouver en soi.
En plus d’être drôle et intelligent, ce film est beau. La photographie, la lumière. On est comme accompagné par la réalisatrice pour partir à la rencontre des personnages dans un voyage qu’on ne veut pas quitter. L’image a un grain assez épais, une couleur automnale et renvoie aux films des années 70. Monia Chokri évoque notamment comme inspiration l’image du film LOFT STORY et c’est exactement ca (bonne reco d’ailleurs si vous voulez pleurer un dimanche après midi d’hiver).
Cet accompagnement du spectateur se fait également par la manière dont la réalisatrice filme, et notamment son travail du zoom. Cela place le spectateur à la fois dans une position centrale tout en maintenant une distance de courtoisie, comme le judas sur la porte qui nous permet de voir sans être vu. Monia Chokri mentionnera sur ce point son inspiration des documentaires animaliers.
Enfin, et peut être surtout, ce film est, non seulement féminin mais féministe. Le female gaze est omniprésent, les sujets évoqués sont des préoccupations réels de notre époque et la construction des personnages laisse entrevoir des problématiques peut être inconscientes mais qui font toute la différence et le réalisme mais aussi l’attachement que l’on peut avoir pour eux. Tout montre que c’est une femme qui est derrière cette oeuvre, c’est assurément pas pour me déplaire;
J’ai absolument tout aimé dans ce film. Très actuel. Très universel. Très lumineux.
Il est vrai qu’à force d’écouter des interview de Monia Chokri je suis peut être un peu devenue fangirl au point d’étayer des plans pour qu’on devienne amies. Mais cela n’impacte en rien mon avis sur ce film que je trouve vraiment génial. J’étais tellement sur mon nuage à la fin de la séance que j’ai loupé la marche et suis tombée en plein milieu de la salle. C’est dire.
Courrez voir ce film. Vous en avez besoin. Croyez moi.
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